21 août 2013

Background: Aela

Une petite taverne perdue dans un village, lui-même perdu en lisière de la grande forêt. Un ameublement assez banal, avec l’éternel aubergiste et son éternel chiffon qui polit son éternel verre … Le décor classique d’une taverne, en somme. Quelques clients dans leurs coins, une ou deux commères par-ci par-là. Ainsi qu’une femme aux cheveux de feu, accoudée au bar. Un air satisfait posé sur le visage, elle sirote son hydromel, les yeux perdus dans le vague. Un arc dans le dos, un petit carquois à la ceinture à côté de son épée, cette femme est une chasseresse. Les plus attentifs d’entre vous auront même remarqué qu’elle a payé ses consommations et sa chambre d’avance, avec le sanglier que la tavernière sert en ce moment.
Perdue dans ses souvenirs, une fois de plus. Aela vient d’arriver dans le coin. Elle a fui son pays, elle a fui ses ennemis, elle a fui son passé. Et pour l’instant, ce dernier est le seul à avoir réussi à la rattraper, grâce à ces souvenirs.

Au plein cœur de l’hiver, elle chasse dans les bois, comme à son habitude. Elle suit la sente d’un élan, apparemment fraîche, quand elle entend des voix. Elle a cru reconnaître le ton du forgeron du petit village d’à côté. Elle a sympathisé avec lui, mais elle est prise d’un doute. Prudente, elle se terre sous un buisson et les regarde passer. Et elle est avisée.
-T’en fais pas, Rorik, on la trouvera la lupine ! Et on accrochera sa peau dans l’auberge !
Bien que peu clairs, Aela a tout de suite compris la nature des propos de l’homme. C’est elle qu’ils cherchent, et ni leurs propos, ni les torches, ni les épées ne leur donnent un air amical. Après avoir laissé ces trois passer, elle a préféré sortir du buisson et galoper dans la direction opposée. Manque de bol : elle se retrouve nez à nez avec le molosse supposé la pister, qui a préféré s’attarder pour renifler la piste de l’élan.
Elle laisse alors parler ses réflexes. Avant même qu’il ait aboyé, elle balance un coup de poing dans le crâne du chien, qui préfère serrer les mâchoires et reculer. Elle saisit sa chance et repart sur le côté. Juste à temps.
Une épée fauche l’air là où elle se trouvait il y a un instant, et les mâchoires du molosse, qui a retrouvé son aplomb, claquent dans le vide. Elle s’est rapidement mise à courir, aussitôt suivie par la bande de « chasseurs ».
L’ennui, c’est que le chasseur, ici … C’est elle. À peine sortie de leur angle de vue, elle bondit sur un arbre, s’accroche à la première branche et se cache dans le branchage. Elle sort son arc et encoche une flèche, prête à abattre la cible la plus dangereuse …
Ils sont sous l’arbre, tournant la tête, cherchant des yeux … Yeux que personne ne pense à relever. Une flèche encochée, elle bande son arc et vise la meilleure cible, et détend la corde. La flèche siffle, puis se plante avec un bruit sourd dans … la nuque du molosse.
Leur pisteur ainsi éliminé, elle saute de l’arbre et atterrit lourdement dans la neige pendant que ses poursuivants saisissent la situation. Elle se met alors à courir comme jamais, se retournant à peine pour voir si elle est suivie. Chose qu’elle n’a pas besoin de faire, au vu des cris de guerre que lancent ses assaillants.
Aela court vite, mais s’essouffle tout aussi vite. Elle finit rapidement au petit trot, anxieuse de voir un forgeron débouler à toutes jambes, l’épée au poing. La pente montante lui indique qu’elle a pénétré dans la vallée. Mais c’est seulement une fois au pied du mur qu’elle se rend compte de son erreur. Car elle est littéralement au pied d’un mur. Un mur de bien huit mètres de haut barre la vallée, délimitant ici les terres du seigneur Ogwald. Et à l’ouïe, elle sait qu’elle ne peut plus faire demi-tour. Lui vient alors une idée folle. Se délestant du lapin attrapé plus tôt, elle enfile le bout de sa botte entre deux pierres et se hisse pour glisser ses doigts dans une autre aspérité.
Elle grimpe régulièrement, mais lentement, et entend les hommes arriver, à quelques dizaines de mètres …
Jurant intérieurement, elle sait qu’elle n’a alors plus le choix. Ses doigts sont gourds, elle est essoufflée, et la pierre est glissante … À même pas un jet de pierre du sol, elle va finir lapidée contre le mur si elle ne fait rien. Elle se résout finalement.
Elle laisse l’adrénaline lui embuer le cerveau, elle sent l’animal en elle s’éveiller. Tenant à garder le contrôle, elle ressent la fourrure pousser sur ses bras, sa tête s’allonger légèrement, les griffes acérées prenant la place des ongles usés …
À présent semi-tigresse, Aela reprend sa montée en grande cadence, ses griffes crochant aux aspérités comme si c’était des échelons. Elle arrive finalement en haut du mur, passe les moellons et se laisse tomber de l’autre côté. Avachie sur le chemin de ronde, elle reprend son souffle en vérifiant qu’il n’y ait personne en faction. Jour de chance : elle est seule sur le toit du monde.
Mais ses oreilles la ramènent vite à la réalité : elle entend toujours les cris des villageois. Passant la tête par-dessus le rempart, elle aperçoit le forgeron et son voisin en train de grimper le mur, eux aussi. Le troisième étant certainement parti chercher de l’aide, la chasseresse est heureuse qu’il n’aient pas la même capacité qu’elle.
Lui vient alors une idée. Poussant de toutes ses forces sur le merlon, elle le sent bouger. De quelques infimes millimètres, mais bouger quand même. Jetant un coup d’œil autour d’elle, elle finit par trouver une perche servant à repousser les échelles. La plantant sous le merlon, Aela commence à appuyer sur l’autre bout, espérant déplacer la pierre, mais sans succès. Elle se résout finalement à abattre sa dernière carte. Elle laisse la fourrure la couvrir entièrement, sa mâchoire se déformer, ses muscles se contracter, pour adopter la forme majestueuse d’un tigre des neiges. Et lorsque qu’elle appuie ses quelques 200 kilos sur la perche, le merlon commence à basculer, pour ensuite glisser et chuter dans le vide, avec un chuintement à peine audible. Bien moins audible, en tout cas, que le cri du forgeron qui en fait une rencontre assez brutale. Son voisin ayant plus de chance, seul le cadavre disloqué de son ami lui tombe dessus, le faisant juste chuter de quelques mètres.

C’est ainsi qu’Aela se retrouva dans un autre pays, à recommencer une nouvelle vie jusqu’à ce qu’on redécouvre son secret : C’est une tigresse-garou.

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